8 Spiritualité agnostique, sagesse tragique


Extraits du Salon des Esprits Libres, salon culturel :

« La vie est création permanente et aucun état n’étant identique au précédent, elle est semblable à l’œuvre de l'artiste qui fait surgir le nouveau, l'original, le singulier. La créativité en est la clé mue par l’élan vital.

Vivre sa vie consiste à vivre cette création incessante de soi par soi, la vivre en artiste, la vie est œuvre d’art.

« Ainsi pour les moments de notre vie, dont nous sommes les artisans. Chacun est une espèce de création. Et, de même que le talent du peintre se forme ou se déforme, en tout cas se modifie sous l’influence même des œuvres qu'il produit, ainsi chacun de nos états, en même temps qu'il sort de nous, modifie notre personne, étant une forme nouvelle que nous venons de nous donner. On a raison de dire que ce que nous faisons dépend de ce que nous sommes ; mais il faut ajouter que nous sommes, dans une certaine mesure, ce que nous faisons et que nous nous créons continuellement nous-mêmes... Pour un être conscient, exister consiste à changer, changer à se mûrir, se mûrir à se créer indéfiniment soi-même. » Bergson


Joie et création sont signes de vie, accomplissement du destin. Bergson souligne que la nature nous éclaire sur la destination métaphysique de l’humain : « Ce signe que notre destination est atteinte est la joie. », signe d’élan vital, d’invention de vie qui nous éloigne de l’inertie, du néant et de la mort.

L’essence métaphysique de la joie, plénitude et satisfaction, accompagne la création qui nous affirme dans notre être, nous fait « persévérer dans notre être » nous dirait Spinoza et nous fait participer à une forme d’absolu, de perfection, de spiritualité de l’univers. La joie signifie que nous expérimentons une perfection, l’intuition du beau, du grand, du divin, qui développe notre puissance diminuée dans la tristesse et l’angoisse.
Spinoza souligne l’importance des passions joyeuses, des affects positifs, signes métaphysiques de l’être. Épicure et son éthique du bonheur, nous indique, avec la joie, prudence, tempérance, courage et justice.
Joie et création tirent du néant une singularité. L’artiste réalise une création si son œuvre fait voir les choses de manière nouvelle et renouvelle notre regard, notre appréhension du réel.
Persévérer dans son être n’est pas seulement se maintenir en vie. La survie ne donne pas la plénitude à l’existence. La réalisation de l’homme passe par l’activité créatrice où l’homme s’accomplit, réalise son destin, donne sens à sa vie. La joie nait de la capacité de se créer soi-même. La destination métaphysique de l’homme consiste à développer sa créativité.
La spiritualité outrepasse le tragique de l’existence. La spiritualité est la vie de l’esprit, de l’âme et ne se confond pas avec la foi, avec la croyance irrationnelle, avec la religion.
« Il n'est pas nécessaire de croire en Dieu pour être une bonne personne. Dans un sens, la notion traditionnelle de Dieu est dépassée. On peut être spirituel mais pas religieux. Il n'est pas nécessaire d'aller à l'église et de donner de l'argent. Pour beaucoup, la nature est une église. Quelques-unes des meilleures personnes de l'histoire ne croyaient pas en Dieu, tandis que certains des pires actes l'ont été en son nom. » Pape François, qui admet là une spiritualité sans Dieu.

Repensons la notion de Dieu. Si elle est égale à la nature, nous sommes panthéistes considérant que Dieu-Nature est tout, est l'intégralité du monde. C’est l’immanence par opposition à la transcendance du Dieu créateur monothéiste, barbu...
Un Dieu, objet de religion, ne nous garantirait nullement l’immortalité ou la résurrection. Ce pourrait être un Dieu inutile, fainéant, méchant. Ce pourrait être une nature, une essence, une inhumanité, une chose non comparable à nous. Nous sommes une espèce de Dieu pour une colonie de fourmis que nous élevons. Peut-être une force qui nous dépasse dans l’entendement nous considère ainsi. Rationnel agnosticisme puisque l’esprit humain ne peut dans son essence et dans son existence accéder à l’absolu, sauf à s’égarer dans la spéculation métaphysique ou à cesser d’être vraiment humain, à quitter la vraie vie pour la spéculer religieusement dans un au-delà.

Le pari pascalien paraît pauvre faisant agir par cupidité, par intérêt. Il façonne Dieu à sa façon qui récompenserait plus un mauvais qui a cru en lui qu’un bon n’y ayant pas cru, un Dieu injuste en quelque sorte. Nous sommes fondés à attendre le contraire d’un Dieu juste et bon et à ne pas parier.

L’infini est un fait non transcendant. Nous sommes de l’infini, de la nature : « L’infinité est le fait initial originel. » Nietzsche

La proposition lumineuse de Marcel Conche rassemble Épicure, Bergson, Spinoza et Nietzsche et nous convie à la sagesse tragique : « Réaliser le meilleur quoi que ce soit périssable. »


État de réflexion métaphysique

Le je est un jeu, la construction d’une subjectivité, d’une singularité, d’un style éthique et esthétique.

« L’individu libre ne pense rien moins qu’à la mort. » Spinoza.

La mort met en valeur la vie, la nuit met en valeur le jour.

« La joie de l’âme réside dans l’action. » Lyautey

Se choisir, se façonner, faire de sa vie une œuvre d’art.

La mort, Dieu, le néant ou l’immortalité ne doivent avoir aucune importance pour les esprits libres existentialistes puisque dans toutes les configurations et spéculations métaphysiques possibles, cela ne doit rien changer à leur vie, à leur façon de vivre, à leur éthique et à leurs actes.

La spiritualité agnostique considère qu’aucune spéculation métaphysique n’a un caractère scientifique et rationnel.

Cela n’empêche nullement le rêve, la subjectivité, la poésie, l’imagination, l’intuition, le libertinage de la pensée, la spéculation, déisme, panthéisme ou athéisme intérieurs par exemple, mais rien là d’objectif, aucun prosélytisme possible et une position agnostique rationaliste restant assumée.


Sagesse tragique, Conche, amour de la vie et du beau, Épicure, car nous cherchons, gai savoir et éternel retour, Nietzsche, par la joie et la création, Bergson, à persévérer dans notre être, façon d’être immortels ici et maintenant, Spinoza.