2 Esprit et sens de l’existence et de l’histoire


Le vivant étant irréductible à la matière, l’humain est aussi esprit et se caractérise par une énergie vitale, une volonté de persévérer dans son être et des désirs. Nous ne saurions être matérialistes ou idéalistes.

L’existence peut être considérée comme contingente, absurde, non nécessaire, tragique étant donnée sa finitude mais l’esprit libre existentialiste, avec Spinoza, « ne pense rien moins qu’à la mort ». Il reste libre de s’amuser, rêver ou parier, croire, douter, s’abstenir de spéculer ou ne pas croire, subjectivement, avec des spéculations métaphysiques. Pour autant, sur le plan objectif, du raisonnable, du scientifique, du rationnel, l’esprit libre se refuse à toute religion comme à toute spéculation métaphysique et s’en tient à une position agnostique.


La philosophie interroge sur le sens et l’esprit de notre action comme de l’histoire. Sens, pris ici comme cohérence des actes et pensées et non finalité, propre à l’homme face au tragique, à l’absurde et face à l’épreuve de l’action. Il correspond à notre élan vital, à notre être, il motive et oriente notre action.

Par raison, besoin de réflexion, nous mettons du sens dans notre esprit et nos actions, lien entre l’esprit, l’élan vital, la matière, la nature, les autres, la société, l’histoire.


Condamné à la liberté, aux causes matérielles, au hasard, au doute, l’homme raisonne, oriente son esprit, lui donne sens et cohérence autant que faire se peut.

En suivant nos désirs, en fixant nos buts et en les réalisant, nous forgeons notre propre histoire et, par l’affirmation de notre liberté à travers nos actes, nous lui donnons sa signification.

Sens et esprit sont le propre de l’homme, et l’esprit libre qui refuse la servitude volontaire cherche la liberté du sujet et sa persévérance dans son être.

Esprit et sens, cohérence, correspondent à une relation de correspondance avec les choses et les autres, à un besoin de réflexion, à une éthique dans la façon d’être. L’action n’est pas absurde et fait sens si conforme à l’esprit, au désir, à l’élan vital, à l’art vécu, à l’art politique, si conscience historique,


Art vécu et art politique font sens

L’esprit libre, adoptant gai savoir et sagesse tragique, voit ses désirs et sa créativité s’orienter vers la recherche de liberté, de bonheur, de joie. Du point de vue individuel et collectif, il fait sens. L’art vécu et l’art politique, organisation de la cité, correspondent à l’esprit libre et font sens. Le sens exige gai savoir, conscience du tragique et de l’absurde, volonté du bien vivre, de pura vida, de convivialité, de cité commune.


La notion de finalité n’est pas contenue dans l’esprit et le sens. Le sens est cohérence mais pas forcément finalité. La finalité implique progrès, évolution, but ou arrêt. Elle achemine vers un pire, tragique de l’histoire, ou un soi-disant meilleur, souvent qualifié de progrès, fable de la croissance infinie, messianisme non réalisé, lendemains chianteurs du matérialisme historique.


La notion de finalité n’est pas contenue dans l’esprit et le sens. Le sens est cohérence mais pas forcément finalité. La finalité implique progrès, évolution, but ou arrêt. Elle achemine vers un pire, tragique de l’histoire, ou un soi-disant meilleur, souvent qualifié de progrès, fable de la croissance infinie, messianisme non réalisé, lendemains chianteurs du matérialisme historique.

La finalité nous donne certes un fil directeur pour nous orienter dans ce qui paraît un chaos. Elle correspond à une recherche indéfinie du sens de toute chose. Mais il nous faut saisir la différence entre la façon d’être et la finalité.

La façon d’être contient le sens et l’esprit. « Le bonheur n’est pas une gare atteinte un jour mais une façon de voyager ». Dans « façon d’être » nous parlons d’art, de créativité et non de croyances métaphysiques ou de science. Religion idéaliste, matérialisme cupide capitaliste ou matérialisme historique socialiste, marxisme, pour lesquels la fin justifie les moyens, ne sont pas compatibles avec l’art vécu et l’art politique. L’écologisme l’est si son paradigme retient l’humanisme, l’universalisme, la créativité, la convivialité, l’esprit, l’existentialisme, et non la seule nature.
Esprits Libres vous ne pouvez ne pas être écologistes, écologistes, encore un effort pour être des Esprits Libres.


Le passé est l’objet de l’histoire, connaissance objective et subjective, roman de ce passé. De l’histoire et des histoires.

L’histoire a du sens et réalise l’esprit à chaque affirmation de l’art politique d’organiser la cité, de la raison et de la liberté, mais sans aucune inéluctabilité ou loi, sans science.

Le Jardin d’Épicure, la pensée de La Boétie, celle de Spinoza, le libertinage philosophique des Lumières, le girondisme révolutionnaire, la Commune, la révolte de Kronstadt, Mai 68, la chute du Mur de Berlin font sens, éclairent.

Si la peur du tragique et de l’absurde menace, le recours à la théologie ou au matérialisme historique et dialectique peuvent progresser dans les esprits et supplanter le sens et la raison pour imposer la superstition ou la prétendue science historique en guise de raison.

L’évènement et la situation sont des fragments, des moments, des durées pris librement dans la réalité, agrégats de processus, croisements d’itinéraires, conjonctions vitalistes, existentielles des autres, du monde, de la nature et de nous-mêmes.

Dans la pièce noire, a priori absurde et tragique de l’existence finie, à travers les autres et de ce que les autres ont fait de nous, à travers matérialité, hasard, histoire, évènements et société, la lumière de la raison donne du sens à notre esprit et à l’histoire, s’appuie sur l’énergie vitale et la volonté de persévérer dans notre être. Conscience, intuition, joie, créativité, poussent à l’action qui nous fait nous choisir, art vécu, et nous engager, art politique. L’esprit libre vient donner esprit et sens et à l’existence individuelle, art vécu, et à l’existence collective, art politique.


Vivre, hors de la servitude volontaire, faire œuvre d’art de son existence, être des esprits libres, au gai savoir, dans la joie et vers la beauté éthique et esthétique, prendre ses désirs pour des réalités, croire en la réalité de ses désirs. Devenir, par son existence, l’engagement, l’action et la créativité, ce que l’on est, persévérer dans son être. Sagesse agnostique outrepassant le caractère absurde de l’existence comme la question métaphysique d’un Dieu qui se distinguerait de la nature.

La cité aristocratique de droit divin d’Ancien Régime, la cité du matérialisme vulgaire productiviste croissanciste, capitaliste cupide du culte de la technique, de la vitesse, de la croissance et de la compétition ou la cité du matérialisme historique et dialectique productiviste socialiste ne correspondent nullement à cette perspective existentialiste.

Sartre, qui nous éclaire tant sur notre condamnation à la liberté, sur l’engagement incontournable, sur la responsabilité, s’est fourvoyé politiquement en cédant sur les questions éthiques, esthétiques et existentielles de libertés, tant individuelles que collectives, en prétendant concilier l’existentialisme, humanisme, avec le marxisme léninisme, doctrine du matérialisme historique, socialisme en paroles, monopolisme d’État en réalité.

Avec le marxisme, considérons que la philosophie s’est jusque-là trop limitée à vouloir comprendre le monde et qu’il s’agit désormais de le changer. Mais éloignons-nous du marxiste sur le sens de la transformation du monde. Il ne s’agit pas d’accomplir une « révolution », retour à l’ordre ancien passant par le renversement de la table, théorie du grand soir et des lendemains, mais il s’agit d’une réforme radicale, profonde. La dialectique sert à casser des briques mais il ne s’agit pas de l’illusoire changement de monde, il s’agit de changer ce monde.


La référence à la nature et à l’écosystème, l’écologisme, s’il est nécessaire et incontournable, ne suffit nullement à cette perspective existentialiste. Au respect de l’écosystème, nécessaire au vitalisme et esthétiquement judicieux pour l’art vécu, il convient d’ajouter l’essentiel, la culture existentialiste, l’élan vital, la créativité, l’esprit libre agnostique.

La science et les techniques, l’enchevêtrement des structures et mouvements, économiques, sociaux, géographiques, culturels, politiques, le hasard, les idées, les pulsions, les passions, peuvent constituer des obstacles, parfois des opportunités.

Organisons, autant que faire se peut, la cité collectivement, afin que chacun y trouve le cadre existentiel et naturel de son élan vital, de sa libido, de son intuition, de sa créativité, de son buen vivir, de sa pura vida, de son art vécu. Cité d’art et d’art vécu, cité d’esprits libres. Telle est l’utopie vers laquelle nous tendons, sens de l’histoire, esprit.

Qu’une boussole nous indique le Nord ne signifie pas que l’on s’y dirige individuellement ou collectivement. Idem pour ce « sens », direction que nous souhaitons pour l’histoire individuelle et collective. Que l’on s’en éloigne ou que l’on s’en rapproche collectivement ne modifie pas la volonté des esprits libres d’aller vers. Le sens est dans la façon d’être et dans la volonté d’aller, dans l’esprit en liberté, dans l’esprit libre.