11 Performances et spiritualité du libertinage

Entre le « cul » d’Abribat, le « bordel » de Molinier, les lèvres de Cicciolina et les mises en scène de Roche

Mon ami Jean-Paul Abribat, professeur de sociologie à Bordeaux, psychanalyste, soixante-huitard, maoïste flamboyant, puis égaré dans la « vieille crémerie » devenue « parti d’en rire » et « parti sans laisser d’adresse », selon ses dires mêmes, posté entre Marx et Freud, membre des Esprits Libres, était un immense orateur, l’un des plus grands du siècle et nous sommes nombreux à le penser.

L’on retiendra une de ses sorties mémorables où devant un parterre académique, nombreux et attentif, il déclama quelque chose comme cela : « Il est une instance qui domine la psychologie, la sociologie, l’histoire et tout ce que vous imaginez, qui compte plus que les sciences économiques et sociales, une instance qui domine nos têtes et nos sociétés et se situe au-dessus de tout et cette instance vous la connaissez bien, c’est… le cul. » Et il fallait voir alors son regard malicieux et jubilatoire pour sentir l’énergie vitale, la joie, la vie.


Lors d’une séance du Conseil fédéral du Parti Radical Transnational à Rome en 1995, Parti radical Italien animé par Marco Pannella devenu transnational, auquel je siégeais aux côtés d’Ilona Staller, le S. de Staller côtoyant heureusement le R. de Roche, après avoir remis du rouge à lèvres, la Cicciolina se saisissant de mon passeport, l’ouvrit à la dernière page et l’embrassa posant l’empreinte de ses lèvres puis me tendit le document en disant : « Tiens, Jean-Pierre, le passaporto d’amore ». Nous avions auparavant déposé ensemble une motion intitulée : « L’amour de la politique, la politique de l’amour ». Délicieuse langue italienne dans la bouche de cette ambassadrice de l’éros pour accompagner ce présent, ce « passeport de l’amour » qu’il nous faut saisir tous les jours pour la plus belle des façons de voyager. La couverture de ce livre s’inspire de cet évènement.

- Performance à Venise où, lors d’une biennale d’art contemporain, j’ai photographié mon amie nue dans une trentaine de stands sans jamais être surpris. Souvenir en particulier du stand palestinien et de son sexe photographié à travers la boite cartonnée intitulé freedom…

- Soir où des amis conviés à un « dessert » découvrent, allongée sur la table, une femme vêtue seulement de tranches d’ananas et sont conviés à déguster l’ananas dévoilant peu à peu la …

- Film d’emballage noir, fin, brillant pour mouler son corps nu aux mains auto-ligotées au centre de la voûte de cave bordelaise sur un chaud plancher de bois apprêté à la danse et qui accueille les Salons des Esprits Libres, les soirées de tango et les mises en scène et performances érotiques en particulier. Aimons particulièrement, dans ce théâtre qu’est la vie, nous livrer à la mise en scène érotique du corps de la femme avec des jeux de lumière et de musique et un petit cercle restreint d’amis qui apprécient. Bougies vacillantes, musique de Wim Mertens ; corps emballé livré aux caresses et au fouet à poils fins qui donnent l’impression mais ne fait aucun mal et dont on ne sait à qui il fait le plus de bien, à celui qui donne ou à celle qui reçoit. Poèmes, déchirures successives cadencées dévoilant en fragments ce corps bercé de jets de lumières. Habit de cordages se substituant au film en lambeaux. La danse en sens inverse délivrera la femme habillée de ses seuls talons, elle porte sa coupe aux lèvres devant les amis séduits et qui en font autant.


Foutre, nous vous convions, con vit, au voyage libertin où nous nous occupons du con finement, où notre vit reprend de plus belles. « Tout ce qui monte converge ». Teilhard de Chardin.

Reprendre le flambeau de Pierre Molinier : « Transformer le monde en immense bordel. » C’est déjà fait me direz-vous et le virus a bien avancé par-dessus le marché, cas de dire, mais, dandys et exigeants, nous souhaitons un bordel à notre façon.

C’est entendu, l’instance déterminante en dernière analyse, anal Lise, c’est « Le cul », comme dit Jean-Paul Abribat.

Façon de voyager sans nous contenter, tentés par le con, d’être seulement écologistes, c’est-à-dire sans rien céder à l’air du temps, fusse au mauvais air du mauvais temps. Sans nous contenter du « en même mauvais temps » girouetté par le laquais de cet air du temps, en monarque assis sur la servitude volontaire des masses populaires de rien et du propriétarisme de tout dans l’arrêt public. Ne nous contentons pas d’être ou de voter écologistes, soyons des Esprits Libres.


Rions d’avance si l’on en vient à critiquer la place consacrée, con sacré, à l’éros ici et dans la cité. Façon de ne pas nous répondre sur les concepts politiques que nous avançons, aveu d’échec de la vieille politique. À ceux-là nous réservons les faux-culs et nous gardons les vrais dont ils ne sauraient que faire.

Retenons les évolutions et révolutions dans l’élan vital existentiel : l’irruption de la sexualité au centre de la psyché, l’irruption de l’émancipation de la femme et l’irruption du désir occupant une place prépondérante dans les phénomènes d’amour et de sexualité en particulier.
Modulons la cité et son organisation en prenant acte de ces évolutions. La beauté, nous l’aimons volontiers, « déesse et immortelle ». Considérons l’éros et la créativité qui suivent l’intuition et ouvrent à la béatitude saisissant l’esprit de l’Univers.