4 Servitude volontaire


Parce que l’ordre naturel fait que les forts dominent les faibles, que les riches dominent les pauvres, sans combat singulier individuel et collectif c’est la servitude volontaire qui règne et dans laquelle on se moule. L’ordre naturel c’est, le plus souvent, l’ordre établi, la servitude. La pente naturelle, le laisser-aller, le laisser-faire, servitude volontaire.

Devoir moral, de conscience, devoir existentiel, chaque individu, pour vivre et survivre hors du lot commun, doit mener un combat individuel et un engagement collectif pour se libérer de la servitude, de la domination, et pour en libérer l’humanité, la société. Sans dimension collective, la dimension individuelle de l’engagement est ridicule comme serait faux un engagement collectif sans engagement individuel.


Combats contre la servitude toujours utiles, fructueux, ayant le mérite essentiel et existentiel d’ôter la part volontaire de la servitude. Qui renonce au combat, faute de conscience ou de volonté, se vautre dans la servitude volontaire. Qui combat peut rester dans une forme de servitude pour un temps, mais sort de la servitude volontaire. La servitude n’est plus de son fait.

Sans part volontaire, la servitude est en question et va disparaître. Caractère volontaire du dominé, ressort principal de la servitude. Sans cet acquiescement, sans cette complaisance, la domination a du mal à s’installer et plus encore à subsister et à se perpétuer.

Dialectique du maître et de l’esclave. Le maître a plus besoin de son esclave que l’esclave du maître alors que ce dernier est élevé dans l’illusion du contraire. Servitude volontaire, équilibre entre dominant et dominé, sorte de pacte.


Le refus de la servitude, de la domination, le combat, l’engagement contre la servitude, parce qu’il est un volontarisme inverse à la servitude volontaire, brisent cet équilibre, cette entente tacite parfois contractée, écrite. Le volontarisme pousse alors à la libération qui rompt la servitude.

Combat à livrer opportunément dans une dialectique favorable profitant des faiblesses et expositions du dominant. La volonté d’en sortir fait l’homme libre.

La liberté s’exerce dès le choix de rompre avec le caractère volontaire de la servitude, dès l’engagement. Qui refuse la part volontaire dans la servitude existe, se choisit et n’est plus choisi.

Dominé responsable de sa domination dès lors qu’il y a servitude volontaire, choix de la servitude.


Exemples flagrants de la servitude volontaire

Le mariage, servitude volontaire, acceptation d’une situation où des individus laissent l’église et/ou l’État mettre leur nez dans leurs affaires intimes, dans leurs amours. Motivation souvent mercantile, moins d’imposition, expliquant ce renoncement. Les coûts et complication du divorce font payer ces lâchetés accomplies dans la liesse et la cérémonie.

Servitude volontaire tenant l’ordre établi : faire ses courses dans un supermarché, jouer aux jeux d’argent, regarder et donc soutenir le sport professionnel, regarder TF1, la télé poubelle, les chaines en continu et les séries US, subir, voire rechercher et commenter, l’image à sensation lors des faits divers, supporter la publicité invasive dans nos villes, paysages et journaux, porter des marques visibles sur ses vêtements, lire Closer, adopter l’uniforme jean, garder son portable en main, téléphoner à tout bout de champ, devenir un « t’es où ? », céder au franglais, ne pas s’appliquer à la langue et céder aux tics langagiers. Aller en religion, bastion accompli de la servitude volontaire.

Exemple des prises d’otages : se féliciter de la libération d’otages en fermant les yeux sur la rançon qui encourage et entraîne d’autres prises d’otages à venir. Les exemples pullulent. Nous sommes au cœur du cœur de la servitude volontaire. Le responsable des futures prises d’otages, le président de la République qui fait payer ou laisse payer une rançon, tire le bénéfice médiatique immédiat d’une libération. Et il tirera le bénéfice d’autres prises d’otage en payant de nouvelles rançons. Quand nous savons que les prises d’otages se font pour de l’argent, il convient de ne plus jamais payer et de poursuivre en justice ceux qui paient ou aident au paiement. Nous aurions un ou deux otages tués le cas échéant mais les prises d’otages cesseraient. Au bilan, avec celles qui tournent mal, nous économiserions beaucoup de vies, de souffrances, d’argent public et de publicité qui renforcent les ravisseurs pour leurs délits et recrutements à venir. Payer pour libérer un otage, c’est comme livrer des gens à la gestapo, c’est livrer d’autres otages à venir pour en libérer un maintenant.

Nous pourrions en dire autant concernant les cyberattaques ou le fait de payer doit être passible des tribunaux pour complicité d’escroquerie.

L’élection du président de la République au suffrage universel est certainement la plus grande marque de servitude volontaire collective des Français aujourd’hui car, retour à la monarchie, elle les prive du sens de la République, de la souveraineté de l’Assemblée nationale, au bénéfice d’un seul.


De la posture victimaire
Les ennemis de nos ennemis ne sont pas forcément nos amis. En sciences politiques, en histoire, en politique nous avons tendance à donner raison à la victime quand il s’agirait seulement de donner tort à l’agresseur.
Que le « front uni » avec la victime soit parfois nécessaire pour mettre à bas l’agresseur est une évidence mais que l’on s’aligne sur la position de la victime est souvent une erreur à éviter surtout si l’agresseur est neutralisé.
Ainsi s’aligner sur le communisme stalinien pour combattre l’impérialisme ou le fascisme est une tragédie même si l’alliance front uni contre le fascisme peut être à un moment nécessaire.
La position victimaire des individus, des groupes, des minorités qui sont, où se croient, victimes de la société ne doit pas être adoptée à priori mais doit ne l’être qu’après un examen approfondi et toujours d’un point de vue universaliste et non particulariste, clanique, communautarisme, victimaire.
Bien souvent l’agresseur doit être combattu en restant vigilant sur l’agressé. Lorsque les populations vietnamiennes sont la cible des impérialistes américains, il est bien logique que nous concentrions nos forces contre « le tigre en papier », ennemi principal, mais nous devons également combattre, plus ou moins selon l’évolution du combat, et en cas de front uni à tout le moins rester extrêmement vigilants vis à vis des staliniens du Parti Communiste Vietnamien lui-même objet des impérialismes russe et chinois et lui-même futur artisan de la servitude des populations. Comment également ne pas l’être vis-à-vis du FLN algérien ou des castristes dans une même configuration ? S’aligner, se taire, cesser d’être, sous prétexte de soutenir les victimes, est une faute et la lutte contre l’ennemi principal est souvent renforcée par la vigilance vis à vis des victimes.
La condamnation de l’agresseur d’une femme est indiscutable mais, dans les cas de couples mariés ou établis, le processus de servitude volontaire qui a pu mener telle ou telle à se lier ou, pire, à se marier avec un individu de ce genre est aussi à combattre. Ce afin que les mêmes causes ne reproduisent pas les mêmes effets. Condamner l’agresseur n’implique pas de toujours soutenir la position de la victime même si cela s’impose le plus souvent.
« Soyez résolus à ne plus servir et vous voilà libres » dit La Boétie. Si vous n’avez pas été résolus à ne pas servir, si vous avez trop servi, trop accepté, de votre part volontaire, la servitude, alors rien d’étonnant à vous constater victime.
La servitude volontaire correspond à la part de culpabilité que la victime partage en tant que complice de fait avec son bourreau, ce dernier n’étant nullement dédouané pour autant.
Les politiques populistes, marchands de peur et de démagogie, s’abritent derrière les victimes, parlent en leur nom, généralisent, montent en propagande et en spectacle les faits divers, appuyés qu’ils sont de cupides médias charognards.